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Le premier dictionnaire bilectal
ou bivariétal français du Québec-français de France, le premier de ce type
dans toute la francophonie, et l’un des premiers dans le monde.
Domaines : sociolinguistique,
variation linguistique; études comparatives / contrastives / différentielles;
lexicographie, dictionnaires bivariétaux, français du Québec, français de
France.
DESCRIPTION
Deux constatations au départ
« Deux peuples séparés par une même langue », le mot d’esprit
attribué à Bernard Shaw pour caractériser les différences existant entre
Anglais et Américains pourrait aussi bien s’appliquer aux Français et aux Québécois.
En effet, tout Québécois qui a eu l’occasion de parler avec des Français ou
de voyager en France, tout Français qui a parlé avec des Québécois ou a
voyagé au Québec sait d’expérience qu’il existe des différences très
importantes entre les deux variétés de français parlées des deux côtés de
l’Atlantique. L'existence de différences
importantes entre ces deux variétés d'une même langue justifie la nécessité
d'en faire la description lexicographique. D'autant plus qu'une autre
constatation s'impose : l'absence de dictionnaire, tant au Québec qu’en
Europe francophone, qui remplisse cette fonction de façon satisfaisante, qui réponde
pleinement aux attentes du public, c’est-à-dire un ouvrage a)
lexicographiquement fiable, b) donnant l’essentiel des particularités du français
québécois (grammaire et vocabulaire) et c) en les comparant systématiquement
au français de France dans son usage réel. C'est de cette double constatation
qu'est né le Dictionnaire québécois-français
(DQF).
Le projet lexicographique
Le DQF vise donc à combler
cette lacune, à être, selon l’expression employée aux premiers temps de la
Nouvelle-France, un « truchement », un interprète, entre francophones de différentes
origines, d'où son sous-titre (apparemment) paradoxal : «
pour mieux se comprendre entre francophones ». Contrairement aux ouvrages
antérieurs, il n'est pas un simple glossaire, c'est-à-dire un ouvrage qui
donne l'explication de termes anciens ou particuliers (voir, par exemple, le Glossaire du parler français au Canada). Il n'est pas non plus un
dictionnaire « global », unilingue (= qui décrirait la totalité du parler
des Québécois, ce qu'ils partagent avec les autres francophones et ce qui les
différencie), mais un dictionnaire d'un type nouveau, « différentiel » (=
qui ne traite que des différences), conçu sur le principe des dictionnaires
bilingues, c’est-à-dire sur la juxtaposition des termes d’une variété de
langue de départ (le français du Québec) et d’une variété de langue
d’arrivée (le français de France).
Un glossaire donne des explications
pour comprendre un terme ancien, spécial ou mal connu. Un dictionnaire
bilingue donne l'équivalent (ou
les équivalents) d'une langue L1 dans une langue L2. Un dictionnaire
bivariétal donne l'équivalent
(ou les équivalents) d'une variété de langue V1L dans la variété V2L de la
même langue, selon le tableau suivant :
Glossaire :
- terme de L > explication du sens en L ou en L2
Dictionnaire bilingue
:
- terme de L1 > équivalent
en L2
Dictionnaire bivariétal
: - terme de V1L > équivalent
en V2L
par exemple :
Glossaire :
placoter : parler
beaucoup (de choses insignifiantes)
Dictionnaire bilingue :
papoter : to chatter
Dictionnaire bivariétal :
placoter : papoter
Le DQF est, au sens strict, un
dictionnaire différentiel bivariétal, qui a pour objectifs de a) donner aux
francophones québécois les équivalents de leurs mots en français de France
et b) aux francophones non québécois la possibilité de mieux accéder à la
connaissance du Québec en leur facilitant la lecture de sa presse et de ses œuvres
littéraires. Le DQF est en quelque sorte un dictionnaire de thème pour les Québécois
et de version pour les non-Québécois.
Un vaste corpus québécois
Le DQF est ce qu'on appelle un dictionnaire
de corpus. Sa rédaction s’est faite sur la base d’un vaste corpus de
textes québécois (traités à l’aide du logiciel « Hyperbase », mis au
point par le professeur Étienne Brunet de l’Institut national de la langue
française, à Nice, en France). Cette base de données lexicographiques
totalise plusieurs millions d’occurrences. Elle comprend des séries de numéros
des principaux titres de presse canadiens-français (Le
Devoir, Le Droit, Le Journal de Montréal, La Presse, Le Soleil, Voir,
etc.). De plus, afin de rendre accessible la culture québécoise, elle couvre
une partie de l’œuvre des principaux romanciers, dramaturges, poètes,
auteurs-compositeurs, humoristes québécois. C’est ainsi que, grâce au DQF,
l’œuvre de créateurs aussi différents que Victor-Lévy Beaulieu, la Bolduc,
Yvon Deschamps, Richard Desjardins, Clémence Desrochers, Réjean Ducharme,
Germaine Guèvremont, Claude Jasmin, Plume Latraverse, Félix Leclerc, Roger
Lemelin, Raymond Lévesque, Doris Lussier, Gaston Miron, Pierre Perrault, Luc
Plamondon, Michel Rivard, Gabrielle Roy, Félix-Antoine Savard, Michel Tremblay,
Gilles Vigneault, etc. sera désormais plus facilement accessible aux non-Québécois
et même aux Québécois des jeunes générations, qui ne connaissent plus de
nombreux mots employés naguère par leurs parents ou grands-parents. Enfin, une
partie importante des sources lexicographiques provient des émissions de radio
et de télévision (journaux et feuilletons télévisés, etc.), de la publicité,
de l'affichage public et de la langue des emballages des produits de
consommation courante. En un mot, pratiquement l'ensemble de l'environnement
linguistique franco-québécois.
Une importante nomenclature
Le DQF ne couvre, nous l'avons
dit plus haut, que la partie du français québécois qui diffère du français
de France. Mais il n’est pas toujours facile de savoir ce qui est proprement
québécois et ce qui ne l’est pas. Il a fallu établir une liste précise de
critères pour définir les termes (structures, mots et expressions) propres au
français québécois. Pour ce faire, nous avons retenu :
a) les termes qui ne s’emploient pas en français de France (atoca, drab, s’épivarder, épluchette, s’éjarrer, placoter,
etc.);
b) les termes qui s'emploient en français de France, mais avec des
caractéristiques morphosyntaxiques différentes (autobus,
etc. est fém., culottes, etc. est
pluriel en français québécois populaire);
c) les mots qui s’emploient en français de France, mais avec une
acception différente (bête, cave, déjeuner,
dîner, fin de semaine, innocent, gosse, malin, souper, etc.);
d) les mots qui s’emploient en français de France, mais avec une fréquence
différente (présentement, possiblement, etc.).
e) les mots qui s’emploient en français de France et en français québécois,
mais sont absents des dictionnaires
courants et/ou sont critiqués (par ex., certains emplois d’alors que, de malgré que +
subjonctif, de l’adjectif disponible,
etc.).
Un des intérêts majeurs du DQF
est qu’il donne des milliers de syntagmes figés, de collocations et de
tournures phraséologiques, ce qu’apprécieront les professionnels de la
langue (journalistes, rédacteurs, traducteurs, réviseurs, attachés de
relations publiques, professeurs, etc.). Voir par exemple :
- briser
(un bail, un consensus, la consigne,
un contrat, des conditions, une promesse, un record, des règles, l’égalité,
etc.);
- régulier
(alignement, armée, base, billet,
budget, calendrier, classe, commerce, croustilles, employé, format, gas,
heures, match, prix, professeur, séance, taille, etc.);
- servir
(un argument, des attaques, un
avertissement, une condamnation, un conseil, un coup, une peine, une leçon, un
ultimatum, etc.);
- sur
(l’acide, l’aide sociale,
l’assurance-chômage, l’avion, l’autobus, la rue, une base journalière,
la bum, la coke, un comité, un conseil, une diète, l’équipe, la ferme, la
finance, l’heure du dîner, un horaire, la job, le party, les pilules, un
quart de travail, etc.).
Pour chacun de ces exemples, le
lecteur trouvera l’équivalent ou les équivalents en français standard.
Un autre trait original du DQF
est la place qu'il accorde à la phraséologie,
un des domaines qui, avec les mots du lexique, distingue le plus le français québécois
du français de France et représente, par le fait même, un obstacle important
à l'intercompréhension. Voir : passer
dans le beurre, dormir sur la switch, attendre avec une brique et un fanal,
avoir de la broue dans le toupet, patiner sur la bottine, mettre sur la map,
avoir besoin de tout son petit change, le chat est sorti du sac, etc.
Le DQF est non seulement un
dictionnaire de langue, mais aussi une dictionnaire lexiculturel. Il traite de
nombreuses notions culturelles essentielles pour la compréhension du Canada
français d’autrefois et du Québec d’aujourd’hui. Voir par exemple :
- les articles : bill, Bleu,
Canadien, commission, conscription, constitution, grève, joual, loi, Patriote,
rapport, Rouge, trudeaumania, etc.
- des expressions comme : beau
risque, coup de la Brink’s, enfant de Duplessis, grande noirceur, tempête du
verglas, tête à Papineau, trois colombes, etc.
- des noms de personnages, qui ont laissé leur marque dans l’univers
québécois, comme : Alexis le Trotteur, la Corriveau, les sœurs Dionne, le frère André,
Jos. Montferrand, le Géant Beaupré, Louis Cyr, etc.
- les tableaux comparatifs : A, a.
m., année, déjeuner, étudiant, étage, Fahrenheit, impérial, primaire,
secondaire, vacant, etc.
Traitement lexicographique : des données grammaticales...
Le DQF fournit tous les
renseignements grammaticaux nécessaires lorsqu'ils différent du français de référence,
comme :
- les variantes orthographiques,
en particulier dans le cas des emprunts à l’anglais (fun ou fonne); en général,
il traite le mot anglais sous son orthographe anglaise, mais il donne aussi
toutes les variantes orthographiques dues soit au désir d’intégrer le mot au
français québécois, soit à la fantaisie de l’auteur (voir pow-wow,
wagon, etc.); d’autres, plus intégrés phonétiquement et
orthographiquement, sont traités sous leur forme québécisée (voir bécosse,
pinotte, etc.); les crochets indiquent une orthographe fantaisiste ou
fautive;
- les formes grammaticales qui
s’écartent de la norme, par ex. les différences de :
- genre et de nombre
- genre des mots commençant par une voyelle (*une ascenseur, *une
autobus, *une avion, etc.);
- genre des emprunts à l'anglais (*une
business, *une gang, *une job, *une sandwich, etc.);
- nombre de certains termes (*une
vacance; *les quartiers généraux, *les argents, etc.);
- morphologie : traitement particulier de la féminisation des titres et fonctions (une
*auteure; une *chercheure; une *directeure; une *professeure, etc.);
- construction
des noms, des adjectifs et des verbes :
- transitivité : *circuler un
document, *contribuer une somme d’argent, *obstiner qqn, etc.
- préposition : commenter *sur
qch, compenser *pour qch, lutte *à
qch,
etc.
- conjonction : insister *que,
etc.
- différences dans l’emploi des prépositions; voir par ex. : à,
après, de, dans, sous, sur (voir aussi collocations ci-dessus), etc.
et des équivalents exacts...
Contrairement à la plupart des
ouvrages existants, le DQF ne se contente pas de donner des équivalents généraux
ou approximatifs. Il se fixe pour objectif de donner l'équivalent ou les équivalents
exacts dans une situation de communication donnée. C'est pourquoi la
plupart des termes de la variété de langue d'arrivée (le français de France)
sont caractérisés par une marque d'usage (soutenu,
familier, vulgaire, technique, etc.). Il s'efforce aussi, un peu comme en
traduction, de donner, ce qui est très nouveau, des équivalents non seulement
de sens, mais aussi d'image (par exemple, virer
capot sera rendu par retourner
sa veste (fam.); avoir une craque
dans (la) tête, par être fêlé
(fam.), etc.). De plus le DQF s’attache à ne donner que des équivalents
attestés, soit dans les dictionnaires généraux (Le
Trésor de la langue française, Le Grand et Le
Petit Robert, Le Grand et Le Petit
Larousse, etc.), soit, lorsque les dictionnaires sont lacunaires, dans un
corpus linguistique français établi spécialement à cet effet (journaux et
magazines français). Il s’interdit toute création terminologique, si bien
que le lecteur peut être sûr que les formes qu’il trouve dans cet ouvrage
sont des formes réellement en usage, et non des créations de terminologue.
- pour la richesse lexicale du
français standard, voir par exemple : balance
du
pouvoir, bain-tourbillon, moto-marine, téléavertisseur, etc.;
- pour les marques d’usage,
voir par exemple : magasiner;
- pour les niveaux de langue,
voir par exemple : bouffer, pogner,
proprio, etc.
Des milliers de citations québécoises
Contrairement à la plupart des
ouvrages sur le marché, le DQF ne comprend pas d’exemples forgés par
l’auteur. Les milliers d’exemples qui illustrent les emplois proviennent du
vaste corpus de textes québécois authentiques. Il fait donc d’une pierre
deux coups : il illustre les sens des mots québécois et rend accessible au
public, en particulier au public non québécois, des œuvres difficiles d’accès
(par ex., celle de Michel Tremblay, d'Yvon Deschamps, de Richard Desjardins, de
Gérald Godin, de Plume Latraverse, etc.). De ce point de vue, le DQF est aussi
non seulement un dictionnaire de langue, mais un dictionnaire de culture, qui
devrait favoriser et faciliter le développement des études québécoises à
l’extérieur.
Des exemples tirés des médias français
Les équivalents français du
DQF dépassent les limites de ce qu’on trouve dans les dictionnaires courants.
Grâce à la constitution d’une base de données sur le français standard
contemporain (composée à partir du dépouillement de journaux et de magazines
français comme Libération, Le Point,
L’Express, Le Nouvel Observateur, d’émissions de télévision, de
catalogues, d'enquêtes sur place, etc.), il donne de nombreux termes absents de
ces ouvrages, mais pourtant employés couramment par les autres francophones.
Ces termes seront particulièrement appréciés par tous les professionnels de
la langue.
Origine et correction des termes
Le DQF donne l’origine de la
plupart des termes, qu’ils proviennent des parlers de l’Ouest et du
Nord-Ouest de la France (achaler, cretons,
gosser, etc.), du moyen français et du français classique (s'abrier, blé d'Inde, fève), des langues amérindiennes (atoca,
achigan, carcajou), de l’anglais (emprunts directs : chum,
coat, cute, emprunts de sens : agenda pour
ordre du jour, alignement pour parallélisme,
définitivement pour sans
aucun doute; calques : payeur de taxes
pour contribuable, changement d'huile pour vidange
du moteur), ou qu’ils soient des créations québécoises (acériculture,
débarbouillette, décrochage). Même si le DQF est un dictionnaire
descriptif et non pas prescriptif, il permet de repérer les faux anglicismes,
ces mots trop vite considérés comme influencés par l'anglais, alors qu’ils
proviennent du moyen français ou du français classique (appartement
pour pièce, délai pour retard). Inversement, il donne tous les véritables anglicismes à
éviter en français standard (corporatif,
communautaire, légal, monétaire, régulier, etc.).
Une note d’humour
Pour ne pas être que sérieux,
le DQF donne aussi un florilège d’histoires drôles et de blagues fondées
sur des jeux de mots possibles en québécois seulement, pas en français de
France. Ainsi la blague suivante ne s'explique que par le double sens de
l'expression en arracher (= en baver, au figuré) en français québécois :
- Quelle est la devise des
dentistes ?
- Moins j’en arrache, plus j’en arrache...
Plus j’en arrache, moins j’en arrache !...
Voir d'autres exemples sous : accoter;
affaire; babillard; bête; bœuf; câlice; calvaire; ciné-parc; crisse;
crisser; épais; après; gambler; gosse; gratteux; hostie; Newfie; position; répondre;
sacre; tabarnouche; tabarouette; toilette; verge.
Au total, quelque 10 000 entrées,
plusieurs dizaines de milliers d’acceptions différentes, plusieurs dizaines
de milliers d’expressions figurées, plusieurs dizaines de milliers d’équivalents
en français de France et / ou de référence. Ce qui en fait certainement le
dictionnaire du français québécois le plus complet actuellement sur le marché.
Source
: Lionel MENEY
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