Pourquoi
trente sous = 25 cents ?
Pourquoi,
au Québec, on dit un "trente-sous" quand on parle de la pièce de 25
cents ?
Au
Québec, on dit parfois "sou" à la place de "cent". Par ailleurs, la pièce de 25 cents est appelé
"un trente sous", surtout chez les anciennes générations. Ce qui n'est
donc pas du tout logique car 25 n'est pas égal à 30.
D'où
vient donc cette expression ?
Les Québécois
à qui j'avais demandé ne le savaient pas. J'ai alors
cherché la réponse sur internet et je suis tombé
sur plusieurs réponses peu convaincantes. Elles parlaient
pêle-mêle des sous de l'ancien régime
français, de la livre, des
piastres, d'une dévaluation de 20%, du fait que l'expression
vient d'une confusion entre plusieurs pièces de part leur taille
et poids similaires. Même une explication que Radio
Canada avait mise en ligne ne tenait pas debout à mon avis car elle
s'appuyait sur un taux de 1 livre britannique pour 6 dollars, dont je
n'ai trouvé trace nulle part.
Puis j'ai trouvé une explication qui m'a satisfait. Il s'agit de celle qu'un certain Jean Hudon a
posté sur le forum de carnets.opossum.ca. Le post n'est plus en ligne
aujourd'hui.
A partir des explications de Jean Hudon, j'ai fait une recherche
minutieuse des éléments et preuves confirmant cette explication. Et
j'ai trouvé. Voici la démonstration :
Si
vous ne voulez pas tout lire, voici une explication courte : les "sous"
du "trente-sous" ne sont tout simplement pas des cents mais les sous du
système monétaire français qui était en
vigueur à la conquête britanniques. Maintenant si vous
voulez tout savoir, lisez la suite.
Les
Canadiens de la Nouvelle-France utilisaient la monnaie française (les
deniers, les sous, les livres). Mais comme la France ne fournissait pas assez de
pièces, les Canadiens utilisaient aussi la piastre espagnole. Celle-ci,
frappée en grande quantité, était la monnaie d'échange dans la partie
nord des Amériques. Quand la Nouvelle France tombe aux mains des Britanniques
et devient le Bas Canada, la livre française est remplacée par la livre
britannique (les deux avaient environ la même valeur). Mais la piastre
continue à être utilisée. On l'appelait aussi le dollar espagnol.
Si
bien qu'en 1792, les Américains décident de créer leur propre dollar. Pour ne
pas bousculer
les habitudes des Nord Américains, 1 dollar = 1 piastre (ce qui est
d'une telle évidence pour un Québécois !). Les Canadiens utilisent à
partir de ce moment le
dollar américain, la piastre espagnole, tout deux de même valeur, et les livres britanniques
Le
dollar est divisé en centièmes, les cents, puisque à
cette époque, c'est dans l'air du temps de passer au système métrique (la Révolution
française impose ce système en France à peu près au même moment).
Mais
il n'était pas question pour les Britanniques de réformer leur système
monétaire : dans une livre
britannique, il y avait 20 shillings, et dans un shilling, il y avait
12 pence (pence=pluriel de penny). Ce système est resté
en vigueur au Royaume-Uni jusqu'en 1970.
Or
il fallait quatre piastres, ou quatre dollars, pour faire une livre
britannique, car une piastre valait 5 shillings. Ce taux est
fixé par le "cours d'Halifax" en 1758
A l'époque de Louis-Joseph
Papineau, autour de 1836, le taux est toujours le
même. Pour preuve, vous pouvez regarder sur ce site : http://www.da-go.com/-monographies/PAPINEAU_Louis-Joseph.html.
Vous voyez ci-dessous l'image que j'ai tirée de ce site. Sur cette affiche
on peut lire que la tête de
Papineau a été
mise à prix : la récompense est de 4000 piastres. Sur cette même affiche,
on peut
lire aussi que la récompense s'élève à 1000 livres.
Vous remarquerez
en passant que le texte anglais parle de "dollars" et le texte
français parle de "piastres", et ça veut dire qu'à l'époque, le mot
piastre était encore officiellement admis, contrairement à aujourd'hui !
Et
vous noterez aussi que l'expression "ça (ne) vaut (pas) la tête à
Papineau" vient de cet épisode de l'histoire du Québec.
Voici
l'affiche :
Bref,
l'affiche confirme que 4 dollars, ça fait une livre.
Le
billet ci-dessous indique qu'il y a vingt chelins (shillings) dans
quatre dollars, ce qui prouve bien si on combine ça avec
l'affiche ci-dessus, qu'il y a 20 shillings dans une livre
Je
précise en passant que le dollar canadien n'existe pas à cette époque. Il est
créé officiellement en 1858. Avant cette date, ce sont simplement des "dollars" nord-américains.
Par
ailleurs comme la livre britannique contient 240 pence, cela fait 480 pièces
d'un demi penny (half penny).
Pourquoi
je dis ça ? Parce que la pièce d'un demi penny, c'était une des pièces qui
circulait le plus, une pièce de référence. Les Canadiens d'origine française
étaient encore habitués au terme "sou"
(et ils le sont encore aujourd'hui).
Donc pour les Québécois,
la
pièce de un demi penny, c'était un sou. Mais pas juste dans leur tête !
C'était officiel !
Pour
preuve, regardez cette image que j'ai recopiée du site : http://www.souverainetelasolution.com/argent1837.html
En
effet, sur ces pièces de la province du Bas-Canada des années 1830, on peut
lire sur le côté face : deux sous. Et sur le côté pile de la même pièce,
il est inscrit "one penny". Concernant l'autre type de pièce, on a
"1 sou" sur le côté face, et "half penny" sur le côté
pile.
Voilà, vous avez la preuve formelle que un
sou équivaut à un demi penny dans les années 1830 au Québec.
A ce stade de la démonstration, toutes
les preuves concernant les taux de change sont réunies !
Il ne reste plus qu'a faire le calcul
4
dollars, c'est une livre, une livre c'est 480 sous, et un dollar c'est 100 cents.
1
livre = 240 pence = 480 sous.
4
dollars = 1 livre
4
dollars = 400 cents
donc
480 sous = 400 cents.
donc
30 sous = 25 cents.
Je suis à votre entière disposition pour en discuter
retour accueil dico  |
contact@fredak.com  |
retour www.fredak.com
|